Durant l’été 2025, nous avons lancé un appel à témoins auprès des proches aidants — ces personnes qui, souvent dans l’ombre, accompagnent au quotidien un proche en perte d’autonomie ou en situation de fragilité. En réponse, une vingtaine de témoignages anonymes ont été recueillis, porteurs d’émotions, de questionnements, de fatigue parfois, mais aussi de solidarité et de résilience.
Chaque semaine, nous partagerons un ou plusieurs de ces récits, pour donner à entendre la réalité plurielle des aidants, et ouvrir un espace de reconnaissance et de dialogue.
Merci à tous pour votre participation.
1. Témoignage de Marc (Tourcoing – 59)
« Mon père est décédé après 18 mois en maison de retraite. J’ai géré seul les rendez-vous, les urgences, les refus de soins. Peu d’écoute, peu de soutien. Ce rôle d’aidant m’a épuisé. Il faut des relais, des ressources, et surtout de la reconnaissance. Aujourd’hui son absence est dure et je culpabilise de ne plus être utile, c’est un grand vide. Mais je survis grâce à mes petits-enfants, ils sont l’Avenir. »
2. Témoignage de Sophie (Marseille – 13)
« Deux ans à veiller maman,
À nourrir ses jours, à calmer ses nuits.
L’Ehpad était froid, les silences longs.
J’ai tenu, avec amour et colère mêlés.
Aujourd’hui, je me reconstruis, doucement. »
3. Témoignage de Monique (Lyon – 69)
« Au départ je ne voulais pas témoigner je me suis dit à quoi bon, ça sert à quoi? Et puis j’ai retrouvé le carnet dans lequel je notais tout.
Je vous partage ici un condensé avec pudeur :
15 mars 2023 – Encore une chute.
22 avril 2024 – Elle ne mange plus.
3 juin 2024 – Le médecin ne répond pas.
9 juillet 2024 – Elle sourit à sa chienne.
3 janvier 2025 — Hospitalisation en urgence
5 mai 2025 — Elle ne me reconnait plus
12 août 2025 – Elle est partie.
Je relis ces pages. Je pleure. Je guéris ? »
4. Témoignage de Pierrette (Saint-Dié-des-Vosges – 88)
« Être aidant, c’est être invisible.
On nous demande tout, on ne nous donne rien.
J’ai accompagné mon mari après son AVC.
Pas de soutien psychologique, pas d’aide financière.
Il est temps que ça change. Pour nous tous. Pour la Société. »
5. Témoignage de Mariam, (Belleville-en-Beaujolais – 69)
« J’ai accompagné ma sœur pendant sa maladie.
C’était dur, mais j’ai découvert la force de l’amour, la puissance de la présence.
Grâce à une association locale, j’ai trouvé du soutien.
Aujourd’hui, j’aide à mon tour d’autres aidants. On peut transformer la douleur en lien. Merci Helpy de nous partager des bonnes idées pour rendre le quotidien plus facile. »
6. Témoignage d’Aurélie, (Paris – 75)
« Nous sommes des milliers.
Des femmes, des hommes, des enfants devenus adultes trop vite.
Nous portons nos proches, parfois seuls, souvent en silence.
Nous jonglons entre travail, soins, émotions.
Nous avons besoin d’être vus, entendus, soutenus.
Être aidant ne devrait pas être un combat.
C’est un acte d’amour. Il mérite du respect.
Politiciens, Hommes de lois, aidez-nous ! »
7. Témoignage de Thierry, (Lafitte-Vigordane – 31)
« Le parcours d’un aidant est comme une course de fond qu’il faut tenir avec endurance et sur la longueur.
Elle traverse une forêt qui nous plonge parfois dans la presque obscurité mais qui également nous offre une jolie lumière, parfois fugace, de rayons de soleil qui traversent la futaie ou un petit concert discret de chants d’oiseaux et autres bruits des animaux de la forêt.
Encore faut-il que nous prenions le temps de les contempler. Car il y a deux manières de vivre cette course : nous mettre un casque sur les oreilles et courir tête baissée ou rester disponible pour s’arrêter afin d’écouter, de regarder, de savourer.
Aidant de son conjoint atteint d’une maladie évolutive comme Alzheimer, à un âge jeunes, est désormais mon état de vie.
Au delà de l’annonce du diagnostic, en faire l’apprentissage a été un chemin, le vivre au quotidien est un périple.
Dans cette course de fond dans laquelle je suis engagé, j’ai pris le parti de ne pas m’isoler, de trouver dans ma famille, mes amis, les soignants ainsi que le tissu associatif, échange, partage et soutien.
Et dans la forêt que je traverse, jour après jour, je découvre des petits trésors du quotidien.
Ces moments sont des pépites de tendresse et d’attention à l’autre que j’avais négligé de manifester quand nous étions tous deux en bonne forme.
Le soir est un temps d’intimité, particulièrement au moment du coucher.
Alors même qu’elle était allongée, elle me dit « tu es formi… » puis ferme les yeux. D’autres jours, c’est un « je t’aime » parfois pas entièrement prononcé.
Le matin au petit déjeuner, en goûtant son jus d’orange elle me demande : « c’est très bon cela, c’est toi qui l’a fait ? ».
Je lui ai mentionné en répondant « oui », ce à quoi elle m’a répondu « Alors bravo ! ».
Pour être tout à fait honnête, il y a eu des jours où au moment où l’on arrivait dans la cuisine pour lui donner son déjeuner, elle me disait sitôt le seuil de la porte passé « Oh, je sens que je ne vais pas aimer ! »
Il y a bien sûr les caresses sur ma joue, les baisers échangés, les sourires et les rires, les phrases bien à propos …
Ce sont toutes ces jolies petites choses qui sont à mes yeux ces rayons de soleil que les arbres de la forêt laissent passer et qu’il faut savoir regarder. »
Thierry de Cacqueray, auteur de « La mémoire du Coeur » Editions Le Lys Bleu
8. Témoignage de Brigitte (78)
« Bonjour et merci pour vos initiatives, destinées à traverser cette étape violente que constitue l’accompagnement de nos parents en ce qui me concerne.
Maman est décédée le 9 janvier dernier à 98 ans et nous avons vécu avec une de mes filles un vrai parcours du combattant… pendant deux ans.
RIEN n’est fait pour nous accompagner, nous soutenir, nous conseiller surtout.
Médecin traitant non communiquant.
Derniers mois à l’Ehpad Korian après une énième chute violente, tout est fait pour informer le moins possible la famille.
Nous y allions tous les jours, parfois midi et soir, avec sa chienne et tout ce qu’elle aimait manger car elle refusait toutes les activités et la nourriture des plateaux.
Donc nous trichions pour la nourriture.
Nous surveillions tout, nous n’étions pas vraiment bien vues.
Il fallait insister pour avoir des comptes rendus.
Pour que le médecin de l’Ehpad inexistant passe lorsque urgence il y avait, etc.
Les auxiliaires étaient sympathiques et dévoués. Je n’ai jamais vu la directrice.
Enfin, des mois après, je pourrai témoigner longuement.
Je suis laminée, culpabilisée, vidée.
Ce qui m’a aidée, ce sont des méditations quotidiennes, Petit Bambou, etc…Audible avec Christophe André et Fabrice Midal. Et des témoignages écrits, 3 livres en particulier.
Des podcasts, 1 entretien par mois avec une psychologue formidable.
Une de mes filles.
Les médicaments, hélas.
Un stage de 4 séances avec une formidable sophrologue où les participantes étaient confrontées à bien pire pendant des années, maris après des AVC, enfants handicapés, etc.
Me dire que jusque-là j’avais eu une belle vie.
Qu’une vie sans épreuves n’existe pas (Boris Cyrulnik ).
Qu’il faut tout repenser en ce qui concerne la fin de vie.
…
C’est un tout petit laïus pour vous dire qu’il y aurait tant et tant à écrire sur cette épreuve et que j’attends de lire d’autres mots, tant et tant, pour fédérer autour de ce sujet douloureux beaucoup de bonnes volontés conscientes .
Merci d’œuvrer pour nous, les aidants passés, présents et futurs.
Avec reconnaissance. »
09. Témoignage de Marie (43)
« Un aidant est une personne qui s’occupe d’un enfant handicapé malade.
Un aidant est une personne qui aide un enfant et un conjoint.
Un aidant est une personne qui aide un parent âgé.
C’est juste insoutenable de se dire que l’on a/est/a été aidant de plusieurs personnes dont un enfant handicapé et plusieurs personnes âgées (entre parents et beaux-parents).
On se met d’accord pour nous rendre invisibles. C’est la prochaine génération qui va continuer à faire les frais de cette invisibilisation. Je ne serai pas grand-mère, toutefois cela me préoccupe quand même.
Il y a aussi beaucoup de personnes qui s’occupent d’une seule personne à la fois, c’est quand même différent, la charge mentale est différente.
Plus tard, il y aura moins d’aidants car les familles ont en moyenne 2 enfants …
Je n’ai pas attendu 42 ans (moyenne soi-disant) pour le devenir. A 36 ans, c’était déjà le cas. Pour ma grand-mère, c’était à 29 ans pour aider sa fille et à 59 ans elle était déjà veuve avec 4 enfants. La 2e guerre étant passée par là. Après 1949, ses garçons, dont mon père, prennent le relais. »
10. Témoignage d’Abdallah (93)
« Je m’appelle Abdallah, j’ai 65 ans. Depuis quelques années, je suis devenu l’aidant principal de deux femmes qui comptent plus que tout pour moi : ma mère, 89 ans, qui perd peu à peu son autonomie, et mon épouse Armelle, atteinte de la maladie de Charcot.
Chaque jour commence tôt et finit tard. Il faut préparer les repas, gérer les soins, les rendez-vous, les imprévus. Mais au-delà de la fatigue, il y a l’amour. Celui qui me lie à ma mère, qui m’a tout donné, et à Armelle, avec qui j’ai partagé une vie entière.
Parfois, je me demande ce que l’avenir nous réserve. Comment continuer à tenir, seul, quand les corps lâchent et que les ressources manquent ? Je n’ai pas toutes les réponses. Mais je sais que tant qu’elles sont là, je serai là.
Être aidant, c’est aimer sans condition. C’est aussi apprendre à demander de l’aide, à ne pas s’oublier. J’essaie. Un jour à la fois. »